La circoncision (lubuku) ou couper le prépuce (Kubuku nsosi)

Cette opération, qui est effectuée dans les quatre premières années, est un rite de passage obligé pour les garçons. Cet événement est entouré de nombreux soins et astreints au respect d’interdits alimentaires.

Le prépuce est jeté sur le toit de la case familiale, il sera emporté et mangé par un oiseau appelé suli. Un anneau de bambou entouré de feuille de palétuvier (lufummbu) est enfilé sur la verge de l’enfant afin d’empêcher tout contact douloureux avec les cuisses.

Toute personne ayant eu un rapport sexuel ou touché du piment (aliment strictement interdit au jeune circoncis) doit éviter d’approcher l’enfant.

Tchikumbi

Les hommes et surtout les femmes sont astreints à des interdits sexuels et alimentaires dont la non-observance affecte l’ensemble de la collectivité.

Les cérémonies d’initiation et de fécondité qui se déroulent pendant la période dite « de tchikumbi » ont pour but d’agréer les jeunes filles adolescentes à la collectivité, de leur faire prendre connaissance des mythes relatifs à la création de « l’Homme » et surtout leur apprendre à vivre en respectant les innombrables interdits (tchi : na) qui pèse sur tout individu dont les bakisi basi sont les plus sûrs garants.

Parvenue à l’âge nubile, la jeune fille accède à un nouvel état physiologique et social, assimilé généralement à la Féminité (sexualité, fécondité).

Dès l’apparition du premier sang menstruel, la jeune fuit dans la brousse, poursuivie et rejointe par les femmes averties de l’événement, qui la chargent sur leur dos et la ramène au village où elles répandent la nouvelle avec force clameurs. Les hommes sortent les fusils et tirent quelques salves…

La tchikumbi est immédiatement enfermée dans une case avec des amies de son âge ou légèrement plus jeunes, en compagnie desquelles elle passera la nuit à chanter et pleurer la fin de son enfance. La future initiée doit au cours de cette nuit, consommer avec ses amies : un poulet, du poisson et du manioc grillé (kuko : ka) (mayaka mala : bu).

Les deux ou trois compagnes qui partagent la case de la tchikumbi sont appelées ba : na bankhamma. Elles ne sont pas encore nubiles et participent à la vie quotidienne de leur amie qui les a personnellement choisies. Pendant toute la durée d’internement, elles s’accoutumeront aux comportements, chants et interdits de leur future initiation. Leur rôle auprès de la tchikumbi est :

· Constituant une cour autour de leur initiée, elles distraient cette dernière

· L’accompagnent lors de chants et danses de circonstance

· L’enduisent quotidiennement d’une couche de tukula (peinture obtenue à l’aide du sable et de bois de padouk écrasés et mélangés à l’eau

· L’aident à se parer chaque matin

· Elles l’exhortent aussi à la patience et s’assurent par une surveillance de tous les instants, qu’aucun interdit n’est transgressé.

Le lendemain matin, une matrone déroule une natte et s’assied devant la case pour diriger les premières phases d’initiation.

Neuf couches de tukula doivent être appliquées sur le corps de tchikumbi. Chaque application est suivie d’un laps de temps nécessaire au séchage, puis des frottements rapides débarrassent le corps des granules, esquilles de bois et autres impuretés contenu dans la peinture. Après le séchage de la couche de tukula, la tchikumbi revêt les habits et parures de sa nouvelle condition :

· Une jupe de raphia (lisani) recouverte d’une couche de sauce épaisse obtenue par la cuisson dans l’eau des noix de palmes décortiquées et pilées appelée mwa : ba, puis imbibée de tukula

· Une bande de raphia (mphufa) à la quelle sont accrochés des clochettes, dissimulant les seins

· Sindetcheka, perles très fines et multicolores placées en bandeau sur le front

· Milu :nga yi mio : ko : plusieurs bracelets de cuivre enfermant les deux avant-bras du poignet à la saignée du coude

· Milunga yi ma : lu, gros et lourds anneaux de cuivre enfermant la jambe de la cheville au genou.

Ce jour, un grand repas réunit les membres du clan et les amis de la tchikumbi. Des Bikumbi (pluriel de tchikumbi) des villages voisins ont été invitées avec leurs parents : elles participent aux festivités qui se déroulent toute la nuit.

Cet enfermement de la tchikumbi dans une case avec des amies de son âge ou légèrement plus jeunes peut durer plus de douze mois pendant lesquels un prince charmant peut postuler à la prendre en mariage (nous verrons dans un prochain article comment se passe le mariage au royaume Loango). La demande en mariage se négocie entre le postulant et le clan de la tchikumbi avec ou sans l’acquiescement de cette dernière. L’oncle maternel (nkhasi nka : da) et chef de famille, joue un rôle primordial (matriarcat) dans tout mariage au Royaume Loango.

Un lavage de la tchikumbi, dans un ruisseau termine l’internement de celle-ci et de tous les interdits permettant ainsi son intégration dans la société.

Le Mariage

Le règlement des prestations du mariage révèle la traditionnelle opposition entre le clan preneur et le clan donneur de la future mariée. Cette tradition permanente est institutionnalisée par l’obligation qui relève plus d’une politique de prudence. En effet, afin de ne pas être ensorcelé, tout homme est obligé de faire cadeaux aux membres les plus puissants de la famille de son épouse.

De nombreux chef coutumiers affirment que les sorciers nuisent fréquemment une femme de leur propre clan et à ses enfants pour se venger de l’attitude d’indifférences et d’avarices que leur témoigne le mari de celle-ci.

La femme n’est cédée par les siens qu’aux termes de préliminaires et de négociations qui se déroulent en plusieurs phases :

· Unkotolum : bu, entrée dans la concession (kukota : entrer ; lum : bu : concession), porteurs de quelques cadeaux sous forme de boissons (vins de palme, rhum, vins rouges), le père, la mère et l’oncle maternel du prétendant, viennent en visite chez les parents de la fille. Ils formulent la demande en mariage mais aucune réponse ne leur est donnée le jour-même.

· Mbula nkhungu (kubula : converser/discuter, nkhungu : discussion). Les parents du prétendant arrivent de bon matin, munis de vin et d’argent qu’ils offrent à leurs hôtes. La discussion s’amorce entre les deux partis qui détaillent respectivement leur généalogie, vantent l’origine et le prestige de leur clan. Aucune précision définitive n’est encore fournie par la famille de la jeune fille sur le montant de la dot.

· Tchiufu : la demande (kufula : demander). Cette demande, qui s’effectue lors d’une troisième visite concerne le montant de la dot (simbo : go simakwela et s’accompagne du versement d’une somme d’argent (simbo : go singo : bo).

· Tchibaza : la permission. Le prétendant accompagne ses parents, lors de cette dernière visite protocolaire à l’issue de laquelle il pourra amener sa femme chez lui, avant même que ne soit terminé le versement de la dot, mais la renverra chaque jour chez les siens pour lesquels elle continuera de travailler jusqu’à ce que ceux-ci aient perçu la totalité de ce qui leur est dû.

Le jour de l’entrée de la jeune femme dans la case de son mari, les parents de celle-ci apportent aux deux époux le tchikadu, paquet composé :

– d’une natte de raphia (tchitefa)

– et d’une natte de papyrus (lwa : du)

– des morceaux de manioc (bingwele)

– et d’un poulet rôti (susu nteba)

– d’un nombre variable de paniers de manioc (ntheti mayaka). Chaque panier est aussi accompagné d’un poulet et quelques poissons fumés

La dot, qui distingue l’épouse de la concubine et de la femme-esclave (qui est achetée), « tend, malgré le développement de l’économie monétaire, à conserver son caractère de signe et non à apparaître comme le ‘prix’ de la femme cédée en mariage ». Elle est partagée par le nkhasi nka : da (oncle maternel, chef du clan), entre les différents oncles maternels et le père de la mariée. La part de ce dernier est généralement très inférieure à celle d’un oncle maternel.

Le Divorce

Les divorces (divorce : kuvo : da makwe : la : tuer le mariage) sont très fréquents. Si l’épouse est jugée dans son tort, le mari, soutenu par ceux de son clan, réclame le remboursement de la dot et du montant des cadeaux qu’il fit à ses beaux-parents lors des naissances de ses enfants, des fêtes et des visites qu’il leur rendit depuis son mariage (kutaga liba : da : compter les biens relatifs au mariage).

Tout individu, astreint au remboursement d’une dot ou au paiement d’une amende (tchika : gu) qui lui est infligée pour un méfait quelconque, doit remplir cette obligation afin de préserver le prestige de son clan (bunnene buka : da).

Si ses moyens ni ceux de l’ensemble de son clan ne lui permettent d’en réunir le montant, il utilise son droit d’oncle maternel (nkhasi) en livrant à son créancier un esclave choisi parmi ses propres neveux utérins, le plus souvent une jeune fille. Cette dernière ne sera ni vendue, ni traitée par son maître comme une esclave de commerce (ndogo), mais désignée sous le nom de nvika qui marque à la fois son état de dépendance et la considération à laquelle elle a droit.

Ainsi, elle sera estimée comme « le bien le plus précieux » (tchikoka tchikü : da) du clan auquel elle a été remise en gage. Si les parents de cette esclave ne peuvent s’acquitter du montant de leur dette (tchidefu), celle-ci se marie dans le clan de ses possesseurs qui bénéficient alors de la dot. De même que ses enfants pourront réclamer l’affranchissement (kuladuka fa tchivika : sortir de l’esclavage) en prouvant qu’ils ont été maltraités, ils seront libres de ne pas retourner auprès de leurs parents maternels si ces derniers désirent les racheter.

Les conflits qui surgissent à l’issue de discussions relatives au remboursement d’une dot ou au rachat d’un nvika donnent fréquemment lieu à des accusations de sorcellerie, surtout si l’un des membres des deux clans antagonistes tombe malade.