SystĂšme Ă©ducatif authentique d’une femme vertueuse et idĂ©ale pour le mariage

De prime abord, qu’il faille faire observer que la tshikuumbi, en tant rite initiatique de la jeune fille, est une pratique attestĂ©e dans trois royaumes Kongo que sont le Ngoyo (RD Congo), Kakongo (dans l’enclave du Cabinda) et Loango (englobant le sud-ouest du Congo-Brazzaville et sud-ouest du Gabon, notamment dans le territoire de Sette Cama, l’actuelle province de la Nyanga).

Un proverbe illustre bien la communautĂ© d’origine, les affinitĂ©s gĂ©nĂ©tiques, culturelles et spirituelles entre les trois États des koongo nord-occidentaux, ainsi que le rĂŽle Ă©minemment religieux du roi de Ngoyo. Il s’agit de : Makongo n’nuni, Mangoyo tshithomi, Maloangu n’kasi qui littĂ©ralement se traduit par : “le Makongo est le mari”, le Mangoyo le prĂȘtre (gardien et officiant du sanctuaire tchibila de la divinité Bunzi) et le Maloango la femme.” Le pendant de ce proverbe qui renvoie systĂ©matiquement Ă  ce triptyque et le renforce est : makuku ma tatu tshishi kwitika ve “sur trois pierres une marmite ne peut se renverser.” On relĂšvera cependant le fait que dans cette alliance atavique et ontologique des koongo nord-occidentaux, mĂȘlant le sacrĂ© et le pouvoir temporel, la place symbolique d’Ă©pouse sinon de femme qu’occupe le Maloango. Ceci est d’autant plus prĂ©pondĂ©rant que dans la culture fondamentale et intrinsĂšque de la filiation matrilinĂ©aire, le pouvoir mystique qui est le pouvoir rĂ©el, est dĂ©tenu par la femme. Ce fait est loin d’ĂȘtre anodin, tant la femme est sacrĂ©e, car liĂ©e au mystĂšre de la vie. Dans ce sens qu’elle est mĂšre portant et donnant la vie ainsi que nourriciĂšre de ses rejetons. A cela s’ajoute le fait qu’elle est Ă©galement en charge de l’éducation de sa progĂ©niture.

En effet, on ne dira jamais assez que chez les Koongo, la femme est un ĂȘtre sacrĂ©, tant elle est au centre de l’existence humaine sinon le pilier de la vie, dans ce sens qu’elle incarne la vie, elle porte la vie en son sein et elle engendre ou donne la vie Ă  profusion. De ce fait, il est stipulĂ© que la vie dĂ©coule du muli nguli ou n’suunga nguli “entrailles de la mĂšre.” En consĂ©quence, la fondation ou la crĂ©ation du tshifuumba “clan maternel” est naturellement attribuĂ©e Ă  la femme. C’est ainsi qu’un proverbe stipule, Ă  savoir mwaana n’tshyeetu saanga tshitebi “la fille est une bouture de bananier.” En fait, autant une bouture a la vertu de gĂ©nĂ©rer une bananeraie autant la femme est prolifique.

C’est ainsi que par les fruits de ses entrailles, elle donne naissance Ă  un clan. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale chez les Koongo, la femme jouit d’un prestige et d’un privilĂšge tels que les enfants appartiennent de droit au tshifuumba ”le clan maternel. C’est pourquoi en entend souvent au Loango l’homme, reconnaissant son rĂŽle mineur dans la procrĂ©ation, s’exclamer comme Ă  regret : taata wubutila maama “papa a engendrĂ© pour la mĂšre.” A l’appui de cette opinion, il sied de souligner que le sang, en tant que vecteur mĂ©taphysique, se transmet par la mĂšre Ă  l’enfant. Pour ce faire, on ne dira jamais assez que nos ancĂȘtres les Koongo avaient intĂ©riorisĂ© un fait non moins important et indĂ©niable, Ă  savoir : la femme est par excellence la mĂšre de l’humanitĂ© et l’avenir de l’homme.

Il est de notoriĂ©tĂ© publique que les enfants naissent bien des entrailles d’une femme ; et ce, aprĂšs neuf mois de grossesse. Cette rĂ©alitĂ© factuelle et biologique demeure cependant indĂ©niable, alors qu’on est pĂšre que par prĂ©somption. En d’autres termes, le fait de maternitĂ© est avĂ©rĂ©, sĂ»re et certaine pendant qu’il y a une prĂ©sumĂ©e paternitĂ©. Bien Ă©videmment, ceci explique l’importance de la femme au point oĂč il lui est reconnu de droit la propriĂ©tĂ© exclusive de sa progĂ©niture. Et naturellement, c’est cette conception des choses qui justifie la filiation matrilinĂ©aire chez les koongo, notamment chez le peuple de Loango. De ce point de vue, la femme est sacrĂ©e tant la vie humaine n’est possible qu’à travers la femme.

De ce qui prĂ©cĂšde, nos ancĂȘtres, ayant compris l’importance et le caractĂšre indispensable de la femme, avaient jugĂ© nĂ©cessaire non seulement de protĂ©ger l’innocence de la jeune fille, mais surtout de canaliser son Ă©ducation par la mise sur pied d’une institution initiatique spĂ©cifique tshikuumbi ; laquelle avait pour objectif fondamental de faire de cette derniĂšre une femme digne de ce nom et, en consĂ©quence, de la prĂ©parer Ă  jouer pleinement son rĂŽle de femme et de mĂšre dans le cadre stricto sensu d’une union conjugale formelle.

DĂ©finition Ă©tymologique du vocable tshikuumbi

Tshikuumbi

Tshikuumbi

Sur le plan morphologique, on peut segmenter le mot comme suit : tshi-kuumb-i. Il y a deux infixes qui sont le prĂ©fixe tshi et le suffixe i. On note aussi l’élĂ©ment central ou le radical –kuumb-. Tshikuumbi dĂ©coulerait donc Ă  la fois des vocables tshinkumba “jeune fille nubile ou jeune fille pubĂšre” et de nkuumbi “rat de Gambie”.

En fait, le rat de Gambie est un rongeur ayant la particularitĂ© d’assurer des rĂ©serves de noix dans son terrier oĂč il s’isole pendant une certaine pĂ©riode. La segmentation de ces deux vocables donne respectivement les radicaux –kuumb– et –kumb-. On peut donc relever que de par l’observation factuelle empirique de l’habitude du rat de Gambie et au regard de l’homophonie entre les deux radicaux, il y a eu un phĂ©nomĂšne d’agrĂ©gation des deux vocables tshinkumba et nkuumbi ayant entraĂźnĂ© la crĂ©ation du mot tshikuumbi. C’est pourquoi dans ce vocable tshikuumbi, il est donc aisĂ© d’entendre par lĂ  jeune fille Ă  qui on fait observer une claustration ou une rĂ©clusion Ă  la maniĂšre du nkuumbi.

Objectif poursuivi par le rite tshikuumbi

On retiendra que le tshikuumbi est un rite de passage ou du moins une institution initiatique par excellence; laquelle est orientĂ©e vers l’éducation par essence. En fait, il s’agit d’un rite initiatique et de fĂ©conditĂ© marquant le passage de la jeune fille de l’enfance Ă  l’Ăąge nubile. L’initiation de la jeune fille Ă©tait d’autant plus essentielle et indispensable qu’elle allait devenir femme, Ă©pouse, amante, mĂšre. En fait, elle incarnait toutes les facettes de la gent fĂ©minine. Il convient cependant de souligner le fait que l’ñge nubile est une pĂ©riode charniĂšre au cours de laquelle s’opĂšre chez la jeune fille une transformation et un dĂ©veloppement physiologique, biologique remarquable. Ce qui, en consĂ©quence, la consacre Ă  un nouvel Ă©tat physiologique et social, caractĂ©risant gĂ©nĂ©ralement la fĂ©minitĂ©, notamment la fĂ©conditĂ© et la sexualitĂ©. La sociĂ©tĂ© se devait alors de canaliser l’éducation de la jeune fille, par une prise en charge de l’initiation de celle sur qui reposaient tous les espoirs de la perpĂ©tuation et la pĂ©rennitĂ© de l’espĂšce humaine.

En fait, Ă  l’origine et selon un mythe koongo, un souverain voulut prendre femme ou du moins convoler en justes noces. On lui prĂ©senta alors une trĂšs belle jeune fille disposant de tous les atouts physiques de la fĂ©minitĂ© mais Ă  laquelle manquait, malheureusement, toutes les vertus d’une bonne Ă©pouse. C’est ainsi qu’à compter de ce jour, les dieux consultĂ©s dĂ©crĂ©tĂšrent que, dans le royaume, un rite d’initiation devrait dĂ©sormais ĂȘtre le passage obligĂ© de toute fille qui voulait devenir une Ă©pouse convenable, idĂ©ale et digne de ce nom. Ainsi naquit le tshikuumbi, un rituel de prĂ©paration Ă  sa vie conjugale future.

Il convient de souligner le fait que l’initiation de la tshikuumbi Ă©tait confiĂ©e Ă  une ou des femmes adultes dont l’expĂ©rience de la vie et l’expertise en matiĂšre d’éducation Ă©taient reconnues de tous. Cette initiation avait, entre autres, fonctions de prĂ©parer la future mariĂ©e en lui intĂ©grant le fait qu’elle n’était plus une enfant et qu’elle devait dĂ©sormais accĂ©der au statut privilĂ©giĂ© de fille mariable. En fait, au cours du rite tshikuumbi Ă©tait dispensĂ© Ă  la jeune fille un enseignement essentiel sur la façon de tenir un mĂ©nage et son rĂŽle d’éducatrice de sa future progĂ©niture. Cet enseignement portait Ă©galement sur la physiologie et la biologie, notamment les fonctions naturelles de son corps. En somme, il consistait aussi en une Ă©ducation sexuelle ou du moins d’un cours de sexologie et d’un discours sur le corps de la femme en vue de la prĂ©parer Ă  recevoir le corps de l’homme, son futur conjoint. Bien Ă©videmment, il Ă©tait impĂ©ratif d’éveiller sa conscience sur un fait non moins important : la charge de la reproduction biologique et de la pĂ©rennisation du clan lui incombait.

Il sied de signaler que l’observation du rite tshikuumbi est assortie d’interdits et tabous. C’est ainsi qu’avant ce rite de passage, la jeune fille nubile a l’interdiction formelle de perdre son innocence du moins sa virginitĂ© jusqu’à ce qu’elle convole en juste noces. Il y a cependant lieu de signaler que la jeune fille pubĂšre, en cours d’initiation, jouit de la libertĂ© de se livrer Ă  des jeux Ă©rotiques, notamment se faire caresser les seins par son fiancĂ© uniquement, lors des visites de ce dernier. Celui-ci Ă©tant le seul homme Ă  qui est accordĂ© le droit sinon le privilĂšge de frĂ©quenter la tshikuumbi le soir dans la chambre de la claustration.

En outre, certains soirs, au cours de ses moments de dĂ©tente et comme loisirs la recluse se livrait Ă  la danse kupoka, une activitĂ© spectaculaire et hautement sociale ; quand ce n’étaient d’édifiantes sĂ©ances de diction de devinettes et de contage. En fait, lors de ses soirĂ©es de contage, des mythes et des Ă©popĂ©es venaient en renfort pour parfaire son Ă©ducation en lui inculquant les fondamentaux de l’humanisme, des valeurs ataviques, ontologiques et de l’univers de signification du peuple de Loango. En fait, on ne dira jamais assez que le rite tshikuumbi est une institution initiatique qui avait pour vocation d’armer efficacement la jeune fille pour sa vie future, en faisant d’elle une femme vertueuse et idĂ©ale.

Par ailleurs, on retiendra que la vie est sacrĂ©e, donc la nature fĂ©minine l’est tout autant, parce que le corps de la femme est le creuset qui porte et donne la vie. Sous ce rapport, le corps de celle qui est par excellence la mĂšre de l’humanitĂ© et de l’avenir de l’homme Ă©tant sacrĂ© devait ĂȘtre prĂ©servĂ© de toute souillure, caractĂ©risĂ©e par la violence sexuelle et le viol. C’est pourquoi le viol de la femme Ă©tait cependant perçu comme un sacrilĂšge, capable de dĂ©clencher le courroux des bakisi basi “divinitĂ©s” contre la communautĂ© en accablant celle-ci de graves calamitĂ©s. Aussi, le viol en tant que crime Ă©tait sĂ©vĂšrement rĂ©primĂ©. En effet, l’individu qui se rendait coupable d’un tel crime Ă©tait passible de lourde peine allant jusqu’au bannissement de la communautĂ© villageoise. En outre, l’intĂ©gritĂ© physique de la jeune fille Ă©tait prĂ©servĂ©e. Elle ne devait faire l’objet d’aucune ablation ou mutilation gĂ©nitale, notamment l’excision pouvant induire des consĂ©quences sur la vie sexuelle de la femme.

La rĂšgle et le protocole rĂ©gissant le rite tshikuumbi Ă©taient tels que la pratique du mariage prĂ©coce, surtout avant l’initiation, Ă©tait proscrite. On ne saurait occulter un fait non moins important, cette institution initiatique, qui modelait la femme idĂ©ale mariable, avait une incidence certaine dans le cadre de la morale et des mƓurs sociales. Sans l’éducation, les filles demeuraient vulnĂ©rables, c’est pourquoi le rite tshikuumbi constituait pour elles un rempart de protection de leur innocence. En fait la vertu intrinsĂšque du rite consistait Ă  prĂ©server la puretĂ© de la fille et Ă  prĂ©munir celle-ci d’une activitĂ© sexuelle prĂ©coce, de la dĂ©bauche et le dĂ©tournement de mineure ainsi que la prostitution infantile. Il sied cependant d’infĂ©rer qu’au Loango, il Ă©tait de facto Ă©tabli un cadre juridique visant la protection de la jeune fille. On dira jamais assez que la stabilitĂ© et la vie harmonieuse au sein d’une sociĂ©tĂ© se mesurent Ă  l’aune des nobles valeurs qu’elle incarne et surtout dans l’observation stricte de ses normes et conventions sociales.

Pendant la période de tshikuumbi, aprÚs le réveil on enduit le corps de la jeune fille de tukula qui est une sorte de crÚme rouge obtenue en frottant des bouts de bois de padouk rouge, pterocarpus soyauxii ou pterocarpus osun, sur une meule avec quelques pincées de sable fin.

Bikumbi

Bikumbi

Le tukula est donc constituĂ© du sable blanc fin, appelĂ© seeka, qu’on trouve dans la plaine (on ne prend pas le sable de mer pour Ă©viter que les sirĂšnes s’introduisent dans le corps de la jeune fille). On se sert alors des morceaux libayi li tshiseesa « bois de padouk » arbre dont le bois est rouge. Ensuite on utilise une grosse pierre servant de meule large et plate. On dĂ©barrasse le libayi li tshiseesa et le seeka de toute impuretĂ©. On frotte le tout sur la grosse meule. Ce sont toujours les tantes initiĂ©es qui sont chargĂ©es de mĂ©langer avec prĂ©caution le libayi li tshiseesa et le seeka avec un peu d’eau, ce qui va produire une espĂšce de crĂšme ou pĂąte que l’on va enduire, comme une pommade, le corps de la jeune fille tshikuumbi.

Cette pĂąte dont elle est enduite trois fois par jour, matin, midi et soir, est une substance naturelle ayant un effet cosmĂ©tique certain, tant elle Ă©claircit la peau et embellit la tshikuumbi qui, Ă  l’issue de la rĂ©clusion, apparaĂźt comme une jeune fille mĂ©tisse. Elle devient toute belle, trĂšs attrayante et prĂȘte Ă  ĂȘtre donnĂ©e en mariage. Et surtout par cette beautĂ©, elle devient plus sĂ©duisante, captivante et, de ce fait, capable d’augmenter l’amour de son futur mari.

En somme, le rite initiatique avait aussi un caractĂšre Ă©minemment sacrĂ©, dans ce sens qu’il y avait l’implication des bakisi basi (esprits telluriques ou chtoniens du terroir) que sont les divinitĂ©s de la terre. Il convient cependant de souligner que la fĂ©conditĂ© est considĂ©rĂ©e comme sacrĂ©e et accordĂ©e Ă  la femme par les bakisi basi. C’est, en effet, sous ce rapport qu’il convient donc de comprendre que c’est par la femme que s’accomplisse le mystĂšre de la vie. C’est pourquoi l’impĂ©ratif de la prĂ©servation de son innocence par la fille pubĂšre la fait systĂ©matiquement agrĂ©er auprĂšs des divinitĂ©s et, en consĂ©quence, valider son initiation dans la sphĂšre du sacrĂ©; laquelle lui consacre l’aptitude et la capacitĂ© du don de la vie.

En fait, le point d’orgue du protocole initiatique rĂ©sidait dans le fait que lors du rituel final, consistant dans le contact de la tshikuumbi avec l’eau d’un cours d’eau. Ce bain rituel avait un caractĂšre hautement et doublement symbolique dans la mesure, oĂč la jeune fille Ă©tait complĂštement immergĂ©e par trois fois dans l’eau. Par ce rituel d’immersion, s’effectuait la mise Ă  mort de sa vie de jeune fille et en sortant de l’eau elle renaissait Ă  sa vie de femme agrĂ©Ă©e par la collectivitĂ©.

L’interdiction d’une activitĂ© sexuelle prĂ©coce dont la consĂ©quence est la perte de la virginitĂ© se justifie par le fait que ce rite initiatique est sous le sceau et la mouvance des gĂ©nies dispensateurs de la capacitĂ© procrĂ©atrice. L’état d’innocence de la fille est d’autant plus important pour le dĂ©roulement du rite qu’il conditionne l’approbation de l’initiation par les gĂ©nies tutĂ©laires. Il convient de signaler que ces derniers interfĂšrent dans la vie sociale ainsi que dans les activitĂ©s des hommes. C’est ainsi qu’ils sont sollicitĂ©s en des circonstances particuliĂšres.

De ce fait, c’est au cours d’une Ă©tape ultime de clĂŽture de la longue pĂ©riode initiatique que la tshikuumbi se soumet au rituel du bain obligatoire dans un cours d’eau. En fait, lors de ce bain, il est offert Ă  la jeune fille l’occasion de rentrer en contact avec l’élĂ©ment aquatique, au demeurant un l’univers sacrĂ©, qui est par excellence l’habitacle des gĂ©nies. Et naturellement, c’est Ă  ce moment que se produit le contact de son corps, notamment son organe sexuel encore vierge avec l’eau de la riviĂšre. Ainsi s’opĂšre manifestement, Ă  ce moment, la bĂ©nĂ©diction par les forces chtoniennes et, ipso facto, l’activation de la fĂ©conditĂ© sinon le transfert de la capacitĂ© de procrĂ©ation. Le rituel du bain s’avĂšre ainsi crucial dans ce processus initiatique. Il est donc une ultime Ă©tape au cours de laquelle Ă©tait confĂ©rĂ©e Ă  jeune fille la capacitĂ© d’engendrer ou d’enfanter.

En rĂ©sumĂ©, on retiendra que le tshikuumbi est un rite initiatique propre aux koongo nord occidentaux, dont le peuple de Loango. Le rite tshikuumbi, en tant que clĂ© de voĂ»te du systĂšme Ă©ducatif ancestral, est une institution d’éducation de la jeune fille nubile ou pubĂšre. Il avait, entre autres, fonctions de prĂ©parer la future mariĂ©e en lui intĂ©grant le fait qu’elle n’était plus une enfant et qu’elle devait dĂ©sormais accĂ©der au statut privilĂ©giĂ© de fille mariable. En fait, au cours du rite tshikuumbi Ă©tait dispensĂ© Ă  la jeune fille un enseignement essentiel sur la façon de tenir un mĂ©nage et son rĂŽle d’éducatrice de sa future progĂ©niture. En somme, ce rite d’initiation et de fĂ©conditĂ© du tshikuumbi participe d’un processus de socialisation. Elle a pour but d’intĂ©grer la jeune fille nubile dans la communautĂ© ou collectivitĂ©, de lui apprendre les valeurs ataviques et ontologiques ou encore comme on le dit prosaĂŻquement lui inculquer les us et coutumes de la sociĂ©tĂ© afin de lui permettre de s’assumer pleinement dans la vie conjugale.

Pour ce faire, la conscience collective avait la responsabilitĂ© et le devoir moral de protĂ©ger les filles et de faire d’elles des femmes dignes de ce nom, tant il allait de l’avenir de toute une sociĂ©tĂ©. On ne dira jamais assez que par le passĂ© le rite tshikuumbi, en tant que l’un des piliers de notre systĂšme Ă©ducatif, avait prouvĂ© son efficacitĂ© sinon son efficience quant Ă  la prĂ©servation des bonnes moeurs et de la morale sociale. On peut cependant dĂ©plorer la brutale irruption de l’altĂ©ritĂ© ayant induit des valeurs d’importation relevant notamment d’une modernitĂ© aux effets pervers endĂ©miques et implacables. Ainsi des mƓurs corrompues ont Ă©tĂ© littĂ©ralement inoculĂ©es dans le corps social. Il est donc aisĂ© de poser que par le dĂ©laissement du rite initiatique tshikuumbi, le Loango aura perdu de sa superbe quand ce n’est son Ăąme atavique.

Et mon intime conviction de bon sens est telle que le meilleur moyen de protĂ©ger ces vulnĂ©rables filles, vouĂ©es de nos jours Ă  une dĂ©bauche prĂ©coce et surtout exposĂ©es Ă  la concupiscence exacerbĂ©e des prĂ©dateurs sexuels sans foi ni loi, rĂ©side dans la reconsidĂ©ration de nos valeurs ancestrales, notamment le rite tshikuumbi que d’aucuns dĂ©crient Ă  tort, en voulant le proscrire et l’expurger de notre sociĂ©tĂ©. HĂ©las, on est rĂ©duit Ă  dĂ©plorer le fait qu’on ait sacrifiĂ© l’éducation de nos enfants ainsi que l’honneur, la dignitĂ© de la femme sur l’autel d’une prĂ©tendue modernitĂ© aux effets pervers. Les ancĂȘtres sont partis mais on ne peut se permettre l’outrecuidance de fouler aux pieds nos prĂ©cieuses valeurs morales et de vouer aux oubliettes le riche patrimoine culturelle immatĂ©riel qu’ils nous ont lĂ©guĂ©. D’oĂč l’impĂ©ratif pour les koongo du Loango et d’ailleurs de se ressaisir et de faire preuve de responsabilitĂ© civique et historique, dans la perspective d’une rĂ©surgence de la conscience morale et culturelle atavique !

René Mavoungou Pambou
Bowamona Keb’Nitu
N’tu mbali wuta Lwangu
“La tĂȘte pensante qui dĂ©clame le Loango”
Ethnolinguiste de formation
Linguiste-bantuiste et chercheur en civilisation Kongo
Promoteur de la vilitude